29 mars 1947, insurrection à Madagascar

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29 mars 1947, insurrection à Madagascar

Le 29 mars 1947 éclate une insurrection dans la colonie française de Madagascar. La répression va provoquer plusieurs dizaines de milliers de victimes (de 30 à 40 000 selon les sources).

Plantations tropicales et travail forcé

En 1947, la Grande Île compte 4 millions d'habitants sur une surface grande comme la France. Parmi eux 35 000 Européens.

La côté orientale, au climat tropical, compte beaucoup de plantations coloniales où l'on cultive le clou de girofle et la vanille, principale richesse de l'île. Les habitants de cette région ont souffert plus que les autres du travail forcé. Celui-ci, qui a donné lieu à de nombreux abus, a été remplacé en 1924 par des « travaux d'intérêt général », guère plus réjouissants. C'est de cette région que va jaillir l'insurrection.

Insurrection

Après la Seconde Guerre mondiale, les élites malgaches se prennent à rêver aux principes de liberté édictés par les Anglo-Saxons dans la Charte de l'Atlantique. Beaucoup revendiquent une intégration complète de l'île dans la République française.

Trois députés malgaches à l'Assemblée constituante française fondent dès 1946 à Paris le Mouvement Démocratique de la Rénovation Malgache (MDRM) pour la pleine participation des Malgaches à la vie politique. L'un d'eux, Joseph Raseta crée la même année une société secrète, la Jina (Jeunesse nationaliste), et prépare un soulèvement violent en vue de conquérir l'indépendance. Son message est bien reçu dans les villages et plantations de la côte orientale.

Ainsi le 29 mars, quelques centaines d'hommes simplement armés de sagaies et de coupe-coupe attaquent des petites villes côtières et des plantations. Les colons sont pris au dépourvu faute de moyens militaires sur place.

L'insurrection s'étend à toute la partie orientale de l'île, où la misère et les frustrations sont les plus grandes.

Une répression sanglante

Les autorités françaises envoient d'abord à Madagascar un corps expéditionnaire de 18 000 militaires. Ce sont d'abord pour l'essentiel des troupes coloniales. Très vite, les effectifs atteignent 30 000 hommes. L'armée française se montre impitoyable : exécutions sommaires, tortures, regroupements forcés, incendies de villages. La France expérimente une nouvelle technique de guerre "psychologique" : des suspects sont jetés, vivants, depuis des avions afin de terroriser les villageois dans les régions d'opération.

Enfin, en juillet 1947, l'armée permet au pouvoir colonial de redevenir maître du terrain en novembre 1948.

Soixante ans plus tôt

Une première guerre franco-malgache entre l883 et 1885 s'était soldée par une défaite française. Un traité inique obligea le gouvernement malgache de l'époque à emprunter auprès du Comptoir national d'escompte de Paris pour payer une indemnité de guerre de 10 millions de francs. Une seconde guerre franco-malgache permit aux troupes françaises d'entrer à Antananarivo, la capitale, le 27 novembre 1895. Le 28 septembre1896, le gouverneur général Gallieni condamna à l'exil la reine Ranavalona III et son premier ministre, avant de s'atteler à la pacification, de 1'île. Il décida le maintien de 1'esclavage, la fermeture de toutes les écoles existantes, l'obligation pour les indigènes de parler le français...

Avec l'emprise coloniale française, le pillage et la spéculation tiennent lieu de politique. « Sans condition de mise en valeur », d'énormes concessions minières et forestières, dans le style des grandes compagnies Congolaises, sont accordées a de grosses sociétés. Une partie des terres est attribuée aux chefferies locales pour les récompenser de leur loyalisme, la population malgache est cantonnée dans des réserves indigènes.

« Pacification » et résistances

La « pacification » se prolonge durant plus de quinze ans, en réponse aux guérillas rurales. Au total, la répression de cette résistance à la conquête coloniale fait entre 100 000 et 700 000 victimes malgaches, selon les sources. En 1915, après la défaite des guérillas rurales, entre en scène le WS (Vy, Iato, Sakelika-Fer, Pierre, Section) sous l'impulsion du pasteur Ravelojaona et des docteurs Joseph Raseta et Joseph Ravoahangy, avec le soutien des Français François Vittori et Paul Dussac. Cette société secrète d'intellectuels subit aussitôt une violente répression. L'instituteur et syndicaliste Jean Ralaimongo engage une campagne pour la libération des emprisonnés WS et contre la spoliation des paysans privés de leurs terres. Le 19 mai 1929, à Antananarivo, se tient la première manifestation pour l'«accession de tous à la citoyenneté française ». Le mot d'ordre d'«Indépendance» y surgit pour la première fois.

Bilan

Après 1947, en vingt mois, la « pacification » aurait fait 89 000 victimes chez les Malgaches selon les comptes officiels de l'État français. Mais ces comptes auraient été exagérés par méconnaissance du terrain et pour alourdir le dossier d'accusation du MDRM. Jean Fremigacci, maître de conférences à Paris-I et enseignant à l'université de Tananarive, établit quant à lui le nombre des morts entre 30 000 et 40 000, dont 10 000 de mort violente (jusqu'en 1958) et le reste de faim ou de maladie.

Les forces coloniales perdent 1 900 hommes (essentiellement des supplétifs malgaches). On relève la mort de 550 Européens, dont 350 militaires. La disproportion des pertes tient à ce que les rebelles ne disposaient en tout et pour tout que de 250 fusils.

L'insurrection de 1947 a été gommée de la mémoire collective des Français mais aussi des Malgaches.

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