Hiroshima et Nagasaki

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Hiroshima en mars 1946

Hiroshima en mars 1946

Hiroshima, 6 août 1945, 8h 14

En juin 1942, l’Amérique lance le « projet Manhattan » sous la direction du général Leslie Groves et Robert Oppenheimer pour la partie scientifique. Le 16 juillet 1945, sur la base aérienne d’Alamogordo, dans le désert du Nouveau-Mexique, l'acte de naissance de « Little Boy » était signé. La bombe est embarquée pour l’île de Tinian, dans l'archipel des Mariannes, puis chargée à bord d’un B-29 baptisé par son commandant, Paul Tibbets, « Enola Gay ». Le nom de sa mère !

Le 6 août 1945 à 2h 45, le colonel Tibbets décolle. Le temps est clair. À 8 h 14, Little Boy est larguée (3 m de long, 4 400 kg, contenant 64 kg d'uranium 235). La première bombe atomique de l’histoire explose à 580 mètres au-dessus d’Hiroshima. L'énergie thermique libérée transforme l’air en une boule de feu d’un kilomètre de diamètre. Au sol, la température atteint plusieurs milliers de degrés. Bâtiments et habitants prennent feu instantanément.

Le 9 août, la seconde bombe atomique est larguée, sur Nagasaki.

Des effets inconnus

En août 1945, on ignore les effets de la bombe A : les rayonnements. Ils vont, pendant de longues années, entraîner chez les « hibakusha » (les survivants des bombardements atomiques), des cancers, des leucémies, des naissances de bébés atteints de malformations. Au total, 250 000 personnes ont été tuées dans les bombardements à Hiroshima et à Nagasaki ; 313 000 ont été irradiées. Jusqu’en 1952 et la fin de l’occupation américaine, Washington imposa un black-out total sur les conséquences humaines du bombardement.

La capitulation du Japon

Le Japon capitula le 14 août 1945 ; la cérémonie officielle aura lieu le 2 septembre. L’empereur Hiro-Hito annonça la reddition en personne. Dès lors naquit un mythe : le bombardement atomique d’Hiroshima avait mis fin à la guerre du Pacifique. Pour le professeur Ward Wilson, auteur d’un ouvrage sur les « mythes » liés aux armes nucléaires, « l'explication traditionnelle du bombardement d’Hiroshima est commode émotionnellement - pour les Américains, bien sûr, mais aussi pour les Japonais. » Aux premiers, elle offre l’occasion d’affirmer leur supériorité ; aux seconds, elle permet de dissimuler leurs responsabilités dans1’effroyable guerre menée en Asie pendant quatorze ans et, au final, dans la défaite.

Pour impressionner les Russes

Pour nombre de chercheurs et de personnalités américaines, ce ne sont pas tant les bombes d’Hiroshima et de Nagasaki qui ont contraint les Japonais à capituler que l'entrée en guerre de l'URSS en Asie le 9 août 1945, trois mois après la capitulation allemande, comme Staline s’y était engagé devant Roosevelt puis devant son successeur. Ward Wilson affirme : « Les troupes soviétiques pourraient mettre le pied sur l’archipel du Japon dans les dix jours à venir. L’invasion de la Mandchourie et de Sakhaline par les Soviétiques fait soudainement de la décision de mettre un terme aux hostilités une question d’une brûlante actualité. »

Des doutes et des opposants

L'amiral William Leahy, chef d’état-major du président Truman, estimait, en 1950, dans ses Mémoires que « les Japonais étaient déjà battus et prêts à capituler. » Le général Eisenhower, commandant en chef des forces alliées en Europe, s’opposa au bombardement pour les mêmes raisons en juillet 1945. Leo Szilard (un savant émigré juif hongrois qui avait travaillé à la confection de l’arme atomique aux États-Unis, avant de créer en 1946, avec Albert Einstein, le Comité d’urgence des scientifiques atomistes) rapporte que le secrétaire d’État James Byrnes, lui confia en 1945 qu’il « ne prétendait pas qu’il était nécessaire d’utiliser la bombe contre les villes japonaises pour gagner la guerre. Son idée était que la possession et l’usage de la bombe rendraient la Russie plus contrôlable. »

L'objectif réel

Après le bombardement, Churchill fut euphorique : il se voyait déjà capable d'éliminer les centres industriels de la Russie » . « Depuis que j’ai dirigé le projet, je n’ai jamais eu d’illusion que la Russie puisse être autre chose que notre ennemi et le projet a été exécuté sur cette base », déclarait le général Groves en 1954. Propos confirmé le 17 juillet 1985 dans le « Times » par le chimiste anglais Joseph Rotblat : « En 1944. le général Groves m'a dit qu’il est clair que l'objectif réel de la bombe est de soumettre notre ennemi principal, les Russes. Jusque-là, j’avais cru que notre travail devait empêcher une victoire des nazis, mais l'arme que nous étions en train de préparer était orientée contre la Russie. »

Voilà pourquoi, quand l’un des chercheurs, le Danois Niels Bohr (prix Nobel de physique en 1922), prie le 26 août 1944 Churchill et Truman d’informer les Soviétiques de la mise au point de la bombe atomique afin de prévenir toute course aux armements, non seulement sa proposition est rejetée mais l’Anglais et l’Américain décident secrètement de « faire des recherches et prendre des mesures pour s’assurer qu’il (Bohr) n’ébruite pas d'informations, surtout auprès des Russes. »

Mais grâce à un fils de pasteur protestant, adhérent à la Jeunesse communiste allemande en 1932, réfugié aux États-Unis, Klaus Fuchs, Staline avait eu connaissance des travaux sur la bombe avant... Truman !

Une guerre de la terreur

« Si le mot terrorisme a une signification, alors il s'applique exactement aux bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki. » La formule de l'historien américain Howard Zinn peut paraître excessive. Pourtant, la décision américaine d'utiliser l'arme atomique contre le Japon relève clairement d'une guerre de la terreur. En un clin d'œil, les États-Unis abattent la nation japonaise en faisant la démonstration de leur puissance de destruction. Le monde ne sera plus jamais le même.

Il faut déconstruire la propagande américaine du mal nécessaire. De nos jours encore, l'opinion publique est influencée par les discours qui visent à légitimer ces bombardements. D'un point de vue militaire, leur inutilité est avérée : en 1945, le Japon est déjà vaincu et cherche à se dégager du conflit. L'URSS accepte de soutenir les Américains en déclarant la guerre au Japon au mois d'août. Pourtant, le 6 août, la bombe « Little Boy » est lâchée sur Hiroshima et Nagasaki.

En fait, le président Harry Truman (successeur démocrate du président Roosevelt, mort en avril) veut faire un exemple. Un avertissement aux peuples et aux autres pays : les États-Unis ont vocation à dominer le monde. Pas question d'accepter l'aide de l'Armée rouge, de crainte que les Soviétiques ne s'installent en Asie. Pas question non plus de faire durer le blocus sur le Japon, ou de faire la preuve de la puissance atomique sur un endroit désert. Truman préfère une démonstration grandeur nature et les bombes sont délibérément conçues pour massacrer un maximum de civils.

Après-guerre, les « hibakusha » sont exclus de la société japonaise et souvent réduits à la misère. Pour les troupes d'occupation américaine, ils ne sont que des sujets d'expérience. Beaucoup meurent des suites des radiations, sans aucune aide médicale.

Aujourd'hui

70 ans après la fin de la seconde guerre mondiale, certes le nombre de têtes nucléaires est en diminution, mais les États modernisent leurs systèmes de missiles et ont la possibilité de déclencher un conflit à une autre échelle que les bombes d'Hiroshima et de Nagasaki.

La bombe d'Hiroshima

La bombe d'Hiroshima

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