La rafle du Vél’ d’Hiv, il y a 76 ans

Publié le

La rafle du Vél’ d’Hiv, il y a 76 ans

Dans la nuit du 16 juillet 1942, la rafle du Vél’ d’Hiv, envoya à la mort 13 000 juifs, dont des milliers d’enfants. Ce crime signe la participation du régime de Vichy à la politique d’extermination des juifs d’Europe.

Le 16 juillet 1942, plusieurs dizaines de milliers de Parisiens vivaient l’une des pages les plus révoltantes de notre histoire nationale. Ils la vivaient comme victimes de la barbarie d’État, pour plusieurs milliers comme fonctionnaires de police, complices zélés, et pour la majorité comme témoins le plus souvent impuissants et honteux. Il y eut des actes de courage ou de compassion, y compris parmi les quelque cinq mille policiers lancés nuitamment à l’assaut de vieillards et de nourrissons, des familles avaient été prévenues de l’imminence de la rafle, des enfants ont été cachés par des voisins, mais globalement la mission confiée au chef de la police Bousquet a été accomplie. La rafle devait faire ­disparaître vingt mille juifs, treize mille environ furent entassés au ­vélodrome ­d’Hiver, avant d’être enfermés aux camps de Drancy, Pithiviers et Beaune-la-­Rolande, dernière station avant le terminus ­d’Auschwitz.

Cette rafle géante donnait la mesure de la participation de l’État français à la mise en œuvre des décisions de la conférence de Wannsee, près de Berlin, qui lançait à grande échelle l’assassinat de plusieurs millions de juifs européens. Elle était la prolongation logique des mesures de discrimination et d’humiliation prises à l’encontre des juifs par Pétain, qui avait édicté le « statut des israélites » dès le mois d’octobre 1940. Ce statut rejetait les juifs, à l’instar des lois en vigueur dans ­l’Allemagne ­nazie, au ban de la société jusque dans les détails de la vie quotidienne. Outre l’étoile jaune, que l’on portait dès l’âge de six ans, les juifs se voyaient interdire l’accès du métro, à l’exception du dernier wagon, ne pouvaient faire leurs courses que deux heures par jour (de 14 heures à 16 heures), n’avaient pas le droit d’aller au cinéma, au théâtre, dans les bibliothèques publiques, ne pouvaient ­posséder ni poste de radio, ni bicyclette. Les enfants juifs ne pouvaient aller jouer dans les jardins publics.

La rafle du Vél’d’Hiv fait encore partie des dates partiellement ou longtemps occultées dans les livres d’histoire. Dans les années qui suivirent l’après-guerre, le recyclage dans l’appareil d’État d’anciens fonctionnaires ­vichystes fortement compromis dans la ­collaboration avec les occupants nazis incita des responsables politiques, y compris aussi insoupçonnables que le général de Gaulle, à mettre l’éteignoir sur un passé qui passait mal. Le cas le plus emblématique en la matière fut Maurice Papon, qui, après avoir fait arrêter et convoyer des juifs de la ­région bordelaise vers Drancy, devint quelques années plus tard préfet de police de Paris sous la présidence du général de Gaulle, puis ministre sous celle de Valéry Giscard ­d’Estaing. Si finalement Papon eut à rendre - fort tardivement - des comptes ­devant la justice pour les crimes commis dans les années 1940, il ne fut jamais poursuivi pour la mort des travailleurs algériens jetés dans la Seine le 17 octobre 1961, une date longtemps taboue.

Quant à l’organisateur de la capture (terme officiel) des 13 000 juifs dans la nuit du 16 au 17 juillet 1942, René Bousquet a bénéficié toute sa vie ultérieure d’une protection politique efficace, et pas seulement sur la droite de l’échiquier politique. Les relations cordiales qu’il entretint avec François Mitterrand, de même que son assassinat survenu au moment où les obstacles à un procès semblaient levés n’ont pas livré tous leurs secrets. Ce n’est qu’en 1995 qu’à peine élu à la présidence de la ­République, Jacques Chirac, dans un discours sur l’emplacement du Vél d’Hiv, reconnaît la responsabilité de la France officielle dans la persécution des juifs. L’élucidation de l’histoire doit être poursuivie, afin que toutes les leçons soient tirées.

 

Repères

11 juillet 1940 : pleins pouvoirs à Pétain ; le Parlement est suspendu sine die.

18 octobre 1940 : publication 
du « statut des israélites » par 
le gouvernement de Vichy.

Septembre-octobre 1941 : Vichy interdit aux juifs l’accès aux emplois publics. Interdiction faite aux juifs d’émigrer hors des territoires contrôlés par le Reich. Exécution des otages 
de Châteaubriant et de Nantes

20 janvier 1942 : adoption de 
« la Solution finale de la question juive » par la conférence de Wannsee.

Mai 1942 : le port de l’étoile jaune est obligatoire.

16 et 17 juillet 1942 : la rafle 
du Vél’ d’Hiv, le vélodrome d’Hiver, 
à Paris.

Septembre 1942 : création du Service du travail obligatoire (STO).

11 novembre 1942 : les Allemands occupent la « zone libre ».

27 mai 1943 : création du Conseil national de la Résistance.

6 juin 1944 : débarquement allié en Normandie.

10 juin 1944 : massacre d’Oradour-sur-Glane par la division 
SS Das Reich.

25 août 1944 : libération de Paris.

La rafle du Vél’ d’Hiv, il y a 76 ans
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article