La fusillade de Fourmies 1er mai l89l

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La fusillade de Fourmies 1er mai l89l

Fourmies : important centre lainier du Nord (15 895 hab.,75% d'ouvriers en l89l). Les idées socialistes y font de grands progrès. Les travailleurs décident de chômer le 1er mai. Inquiet, le patronat local fait appel à deux compagnies d'infanterie du 84e et du l45e régiment de ligne.

Au moment où le cortège des manifestants ouvriers se dirige vers la mairie, le commandant, sans sommation, ordonne d'ouvrir le feu.

« Un terrible feu de peloton a été tiré sur cette masse de monde. Une immense clameur s'est élevée ; la fusillade continue et dure trois ou quatre minutes. La foule cherche un refuge dons les estaminets. La place balayée, les soldats tiraient encore. Des officiers et des gendarmes ont poursuivi des femmes, et les ont tuées à coups de revolver sur le trottoir.

Le jeune Giloteaux est le premier tué. Il est percé de trois ou quatre balles, et tient toujours son drapeau. Les magasins el les estaminets sont criblés.

Chez M. Dupont, cabaretier, deux jeunes filles, Louise Hublet et Félicie Tonnelier, qui étaient avec leur famille, sont tuées à l'intérieur de l'établissement...

A la Bague d'Or, autre estaminet, le petit Émile Cornaille, âgé de onze ans, qui s'était réfugié en entendant la fusillade, a été traversé d'une balle : il est allé mourir derrière le comptoir.

Sur le trottoir, une femme est tuée à bout portant d'un coup de revolver qui a fait voler la cervelle. Le lendemain encore, on voyait cette cervelle sur un tas d'immondices au milieu d'une mare de sang. »

Ernest Roche, discours à la Chambre, le 4 mai 1891.

« C'est le fusil Lebel qui vient d'entrer en scène pour la première fois... On compte environ, tant tués que blessés, de 60 à 70 personnes et disons en passant que 40 soldats seulement ont tiré. Il en ressort ce nouveau fait à l'actif de la balle Lebel qu'elle peut très certainement traverser trois ou quatre personnes à la suite les unes des autres et les tuer. » L'Illustration, 9 mai 1891.

La bourgeoisie devant les manifestations du 1er mai

« Les manifestants du Premier Mai 1891 n'avaient décidément pas bonne façon et leur tournure nous donne le droit de demander combien il y avait parmi eux de vrais ouvriers laborieux, producteurs, sérieux, souffrant réellement des inégalités, ne donnant point au cabaret le superflu relatif de leur gain.

Fort peu, assurément, l'ouvrier intéressant était resté dans son atelier, jugeant inutile de perdre même le gain d'une journée. En revanche, tout ce que le trottoir compte de traînards, de loqueteux, de claque-patins réduits à la portion congrue depuis que le boulangisme n'a plus besoin de camelots, paraissait disposé à réclamer les trois huit. J'avoue que l'idée de donner huit heures d'études, de réflexion el d'oraison à ces drôles ne m'a jamais paru plus bouffonne...

Quand de grands flandrins, rebut des ateliers, épaves du ruisseau, viennent leur dire des injures sous le nez, ils (les agents) ripostent avec une rondeur qui n'est pas absolument déplaisante.

Comme toujours, il y a eu des méprises, et de « respectables vieillards » ont reçu des horions. J'en suis fâché pour leurs cheveux blancs que je vénère infiniment, mais que diable faisaient-ils hors de chez eux, dans des journées telles que celles-ci ?

On est trop porté à décourager les hommes de la police, à détruire chez eux l'esprit d'initiative et de défensive pour que nous ne recommandions pas à toute la sollicitude des pouvoirs publics les agents qui ont eu le plus de poigne contre les manifestants, ou, au besoin, contre les badauds.

[...] Il ne faudrait pas moins continuer à trouver très grave la situation que nous font la périodicité et l'universalité de cette manifestation ouvrière. Nous assistons cette année encore à une répétition générale. Et quand on pense que ces mêmes manifestations ont eu lieu à la même heure à Philadelphie et à Cracovie, à Christiana et à Séville, il faut bien avouer, au risque de passer pour un pessimiste, que les études avancent et que la première de la pièce, quelque éloignée que puisse encore en paraître la date, sera terrible ! » Le Figaro, 2 mai 1891.

Cité par Claude Willard, La Fusillade de Fourmies, pp. l5 et 16, Éditions Sociales 1957.

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